Le Barde dans la Machine écrit pour vous des élucubrations sur les mondes imaginaires. Pour faciliter vos choix de lectures, les publications sont regroupées en thèmes :
"Récits", des nouvelles (entières ou par épisodes) qui parlent de SF et de Fantasy. Les récits les plus longs sont publiés par épisodes, puis compilés.
"Contes de la Marche", qui regroupe des récits de Fantasy se déroulant un même univers.
"Lubies", des textes plus courts sur des sujets aléatoires.
"Bouquins", où je vous narre et critique mes derniers lectures.
"Carnets", de brèves observations ou impressions, en quelques paragraphes.
Le premier pique-nique fut suivi d’un deuxième plus loin de la ville ; on s'embrassa dans l’herbe, et pendant plusieurs jours je ne me souciai guère de linguistique.
L’incident se produisit un mois après le début des recherches. J’accompagnais Elise Deheuvens à Famadé, alors que j’aurais préféré rester à Port-George : j’avais promis à Shalba un pique-nique à l’européenne. Mais la Prof avait insisté, avec un soupçon de nervosité.
En peu de temps, je devins un spécialiste du thé. Mes pas me portaient régulièrement vers la médina, surtout en début d’après-midi quand le marchand de thé faisait la sieste. La jeune vendeuse me recevait et m’expliquait les nuances entre les essences, les modes de séchage, les sélections et les types de feuilles. J’écoutais, fasciné, puis je repartais avec sous le bras un nouveau sac de thé d’une livre, orné du même signe tracé à l’encre noire, et rempli de feuilles qui n’en sortiraient peut-être jamais.
Le thé du marché s’avéra de bonne facture, du moins pour ceux qui aiment les infusions. Pour ma part j’avais toujours préféré le café, en terrasse d’un troquet ou dans une salle enfumée peuplée d’étudiantes parisiennes. Nous le goûtâmes avec application, et la Prof donna tout un spectacle de réminiscences et de grognements d’appréciation.
Le doyen de l’université nous reçut dans son bureau qui sentait la poussière, et échangea avec la Prof des dissertations orales sur l’histoire de l’île, ses vagues de peuplement et sa culture actuelle. Il passa un temps infini à nous vanter les dons de son peuple pour la poésie et la philosophie. Quand on en vint à la langue locale, le Wihila, il eut encore beaucoup à dire sur ses fondations africaines, les influences tamoules et malgaches, et teintées d’une touche d’Urdu qui faisait ses délices.
Finalement, l’exotisme des pays lointains n’est qu’un leurre, me disais-je accoudé au bastingage du « Monsieur de Tourville », en regardant les portefaix décharger nos bagages sur les quais de Port-George. On s’attend à des senteurs d’épices, des habits chamarrés, des cris et des chants dans des langues inconnues, et finalement il n’y a que l’odeur de la marée et des brutes habillées comme n’importe quel ouvrier de France, qui s’interpellent en arabe ou en portugais. Notre arrivée à Kalé, la fameuse « île aux épices », s’avérait plutôt décevante.
— Cette fois-ci on te tient, vilain petit canard !
— Mais qu'est-ce que vous me voulez à la fin ?
— Tu sais très bien ce qu’on te veut, éluda Jiusep avec un sourire mauvais.
La colline des vents se trouvait à l'extérieur des murs de Visonti. On disait qu'elle avait accueilli le palais des premiers rois du pays, à une époque où même Akhila était encore peuplé par des tribus ignorant l'écriture. Des colonnes élancées et frontons majestueux, construits entièrement d'un marbre blanc aveuglant sous le soleil, où déambulaient les patriciens drapés dans les toges écrues et bleues de l'ancien temps.
Cassia décida de partir tôt le matin ; le Nordique prit des précautions exagérées, peut-être avait-il d'autres raisons de rester discret. Que savait-elle de lui, en réalité ?
Elle le guida dans les rues encore fraiches, alors que le ciel commençait à peine à s'éclaircir ; elle allait capuche rabattue sur sa tête, comme une dame rentrant de chez son amant. Sigurth portait un lourd manteau qui dissimulait son glaive et surtout, entre deux tuniques, une bonne épaisseur de métal.
L'inconnu avait l'œil injecté de sang, il sentait la sueur et le vin. Cassia entra, soudain consciente d'être venue seule chez un homme armé et violent.
C'était une de ces cellules réduites au strict minimum comme on en louait des douzaines à Visonti.
— Jusqu’ici je fermais les yeux sur tes écarts, mais là... Qu’est-ce qu’il t’a pris de casser les dents de ce garde ? Je te paye pour m’escorter, pas pour jouer les encaisseurs de créances.
— Il a fait un geste suspect, j'ai préféré prendre les devants pour vous protéger.
— En pleine présentation de famille ? Il voulait se moucher, et tu l'as passé à tabac devant ma nièce de neuf ans !
Cassia courait après sa revanche.
Elle filait dans la nuit, ses pieds nus ne faisaient presque pas de bruit sur les pavés des rues de Visonti. Devant elle, à quelques pâtés de maison, la silhouette claire d'Astolfo se déplaçait furtivement.
La conclusion de l’histoire !
L'opération a très bien commencé. J'ai laissé Delma aux commandes du reste de ma flottille, à distance raisonnable du système Nox, et j'ai amené l'équipe de débarquement en orbite dans un petit appareil indétectable. Je me charge la plupart du temps des manœuvres les plus délicates, il y a d'autres bons pilotes mais je ne veux pas perdre la main, et ça leur montre qu'il faut encore compter avec moi.
Je dicte ce mémo dans l’obscurité, la seule chose que je vois est l’écran où s’affichent mes mots. Il ne cesse de perdre en luminosité, le moment approche où sa batterie lâchera à son tour, et je perdrai le dernier de mes équipements modernes. Je pourrais essayer de me bricoler des chandelles ou des torches, mais elles ne serviront pas à grand-chose contre ce qui me menace.
Langveld avait été envahi.
Le hameau de colons que le hasard avait placé sur la route entre Valkerst et Heimark offrait d'ordinaire l’image de la tranquillité ; les principales occupations y consistaient à cultiver la terre, boire du vak en regardant tomber la neige, et observer en ricanant les voyageurs qui descendaient la route de l'Ouest en direction de la côte inhabitable et de la région reculée qui les en séparait. Mais aujourd'hui cet ordre paisible était bouleversé.
Une quarantaine d'hommes et de femmes s'étaient rassemblés sur la place du marché, armés de ce qu'ils avaient pu trouver : des coutelas, des haches, des faux dont on avait remis la lame dans l'axe du manche, des fourches, des piques faites de couteaux attachés à l'extrémité de perches...
Aucun autre émissaire ne partit à Valkerst : la bourgade était trop lointaine, le jour fatidique trop proche, et les émissaires de Yarving avaient été très clairs sur ce qui arriverait la prochaine fois qu'ils attraperaient un messager. Les chefs de famille passèrent le reste de la matinée en discussions de maquignons, et à midi Otmer les rassembla chez lui.