... mais je verrai leur visage ; enfin je les affronterai en face.
Stevans relut la dernière phrase, resta pensif quelques instants. Puis il effaça toutes les donnés de l’écran personnel de Sanchez. D’un coup d’œil circulaire, il passa en revue le quadrilatère de ciment où le pilote avait passé ses derniers jours. Dans un coin, un boitier en métal noir hérissé de fils, raccordé à une gosse batterie : la balise d'alerte qui leur avait indiqué le chemin. Il l'écrasa à coups de talon, avec animosité. Ils avaient dû prendre le risque de descendre sur Nox à cause de cette connerie d'émetteur.
Pas de corps, et rien non plus dans les environs. Une fouille plus attentive s’imposerait. Les gars du labo ne lui avaient pas dit que les mutants dévoraient entièrement leurs victimes ; une trace de moins à effacer, si c'était bien le cas. Il faudrait quand même passer l’abri au lance-flammes, il avait apporté tout le nécessaire dans le module d’atterrissage posé près du village. Rien de tel que la purification par le feu.
Stevans appela les hommes qui montaient la garde à l'extérieur de l’abri.
— Carl, faut me faire flamber tout ça ! Va prendre le matériel tout de suite, après on scanne les environs et on repart.
Sans attendre la réponse, il sortit et buta sur les corps face contre terre de Carl et Fred, dont les dos carbonisés fumaient encore.
— Changement de programme, Stevans, fit une autre voix derrière lui.
— Sanchez ! Mais qu’est-ce que vous foutez... ?
— Te fatigue pas, j’ai eu le temps de comprendre la magouille, répliqua le pilote tout en lui braquant une arme de poing vers le ventre. Tu vas m’emmener au module et me donner gentiment toutes les commandes, si tu ne veux pas finir en steak trop cuit.
Stevans s'exécuta, tout en réfléchissant de son mieux. Comment Sanchez avait-il pu s’en sortir ? Et surtout, comment sauver sa propre peau ? Mais il ne trouva aucune solution, jusqu’au moment où ils se retrouvèrent dans le cockpit. Le contrebandier vérifia l’état du vaisseau avec des gestes de professionnel, sans jamais cesser de braquer le flingue sur son prisonnier. Finalement ce dernier n’y tint plus.
— Comment avez vous fait pour échapper à…
— Tu veux dire, vos mutants ?
Sanchez tapa du doigt sur le casque de navigateur qu’il portait, visière relevée.
— J’ai mis du temps à comprendre comment ils réalisaient leur petit tour, pour se rendre presque invisibles et étouffer les sons, mais la réponse était évidente : tout se passait dans ma tête ! Heureusement, leurs pouvoirs ne traversent pas le Résistium qui double les casques de la Force. Comme je dis toujours, le bon matos, c’est essentiel.
— Vous les avez affrontés ? Demanda Stevans, incrédule.
— Tu rigoles ! Ce sont de vrais tueurs. Quand je me suis rendu compte qu’ils pistaient leurs proies en suivant leurs ondes cérébrales, je me suis planqué dans une cave et j'ai attendu tranquillement que tu arrives, attiré par ma balise… Dormir avec un casque, c'est pénible, mais moins que de se faire éviscérer. Au fait, j'espère que mon journal t'a plu ! J'y ai "oublié" quelques détails importants…
Le sourire de Sanchez se fit plus dur.
— Dis-donc, tu m'as l'air bien installé dans ton fauteuil, Stevans. Ça tombe mal, parce que tu restes sur Nox. Mais avant, mets-toi en slip, je garde ton équipement. Exécution !
Quelques instants plus tard, tandis qu’il regardait le module décoller et disparaître dans le ciel, Stevans réfléchissait encore. Ses pensées avaient pris un tour plus sombre.
Le soleil baissait rapidement à l’horizon, le vent du désert soufflait du sable qui piquait sa peau nue. Que faire ? Il prit la direction de l’abri et s’y barricada.
Puis il attendit que le silence tombe.