Sans transition, une histoire qui va vite...

Le jour où Pablo meurt, je suis à moitié bourré, en train de mater la course au bar. C'est un défi de routine, pas beaucoup de fric en jeu, presque pas de bourgeois venus parier, mais il en faut plus pour empêcher les gros malades du Speed Club de prendre l'air. 

 — Une série de cinq articles sur les célébrités toxicomanes ? Sérieux ? 

— Oui, Ryan tient absolument à ce que je reprenne ce sujet "de toute urgence". Ses propres mots. 

— Petit veinard. C'est pour ça que tu tires cette tête de dix kilomètres de long ? 

— Il n'y a pas que ça...

Niall leva sa pinte et reprit une goulée de bière.

Niall gisait à plat ventre sur une surface dure. Il en sentait les rugosités à travers le tissu dont sa tête était toujours enveloppée. Ses bras étaient attachés dans son dos, et son visage reposait contre le sol d'où émanait une faible odeur minérale, pierre ou béton humide sans doute. Il éprouva ses liens – sûrement des attaches industrielles, il connaissait bien le modèle : il aurait fallu une pince pour couper les tiges en plastique dur. 

Où était-il ?

Paul Brodie sonna et, sans attendre, poussa la porte de l'appartement 302, sur laquelle une affichette "A LOUER" était scotchée avec de l'adhésif brun. A l'intérieur, une odeur de vernis et de peinture l'accueillit. Les murs de l'entrée étaient d'un blanc immaculé, et il n'y avait pas le moindre meuble dans la pièce, seules deux portes entrebâillées rompaient la rigoureuse géométrie de l'ensemble.

— ... Et la semaine prochaine il faudra que tu me livres la suite de ton article sur les people qui vont aux putes, il a fait un petit carton avant-hier.  
— Super, Ryan... Juste un truc : je n'avais pas prévu de deuxième partie, il va falloir que je cherche un peu de matériel.  
— C'est bien pour ça que je te donne une semaine. Et puis ça ne sera pas bien compliqué, tout ce que les gens veulent voir, c'est de la cuisse. Descends dans la rue et filme !  

Niall étouffa un soupir.

La lampe torche de Niall balayait les locaux de Bulldog Investigations. Dans la nuit, sous l'éclairage pâle des LED, les objets semblaient un peu plus gris, leurs ombres plus épaisses, et les pièces banales s'étaient remplies de mystère. Niall avait trop l'habitude des situations aventureuses pour se laisser griser, mais il en tirait quand même un petit plaisir coupable.

La façade de l'ancien immeuble en pierre blonde était pourvue de corniches qui avaient rendu l'escalade facile ; une fois au premier étage, forcer la fenêtre avait été un jeu d'enfant. Heureusement l'entrée était située dans la zone obscure entre deux réverbères, ce qui lui avait permis d'œuvrer dans une relative discrétion, encagoulé et ganté de noir comme un cambrioleur. Ça lui rappelait des souvenirs.

Une pluie fine et insistante tombait sur les rues de Glasgow, venue de nuages bas qui ôtaient toute couleur au paysage. La voiture électrique avançait en silence sur le macadam trempé, entre deux rangées de bâtiments de brique presque noire à force de pollution.

Niall, installé derrière le tableau de bord, laissait le pilote automatique en charge de la conduite, pendant qu'il revoyait ses notes et les commentait au bénéfice de sa passagère.

C'était le soir du rendez-vous, et Herman Rockwell conduisait sa voiture d'une main sûre. La lourde Benz dévorait les virages et les lignes droites de la route forestière ; dans le halo des phares, les ombres des troncs semblaient courir en sens inverse de part et d'autre de la voiture.

Dans l'habitacle qui fleurait bon le cuir et la ronce de noyer, l'autoradio passait du jazz, un album de Charlie Parker de sa collection. La musique n'était pas forte, mais elle suffisait à couvrir le bruit du moteur électrique et le roulement sur le macadam. Rockwell tenait le volant d'une main, tout en ajustant périodiquement l'écran du GPS de l'autre, d'un de ces petits gestes de maniaque qui avaient l'art d'exaspérer Hannah, sa femme. Si elle l'avait vu à présent, elle aurait tout de suite compris dans quel état de nervosité il se trouvait.

On les libéra au crépuscule. Leurs geôliers les amenèrent jusqu'à la grande porte en bois du fortin; comme Efi boitait, un des gardes dut la maintenir sur ses pieds une partie du trajet.

Une fois dehors, leurs liens furent dénoués, et le sergent Kelher grogna de derniers avertissements:

— Vous avez moins d'allure, les chasseurs de trésor ! Ça vous apprendra à fouiner dans les affaires de l'Ordre. Maintenant, tirez-vous, que je ne vous revoie plus. Et tenez vos langues ! La prochaine fois, le Prieur ne sera pas si clément.  

En sortant de la grotte, Edvin se redressa et cligna des yeux, ébloui ;  il ne vit pas surgir le poing ganté de cuir qui lui percuta le visage. Ses genoux lâchèrent, le sol s'approcha soudainement de lui, et il s'effondra à terre. Il entendit quelque part un grognement étouffé, sans doute Efi, mais des soleils et des étoiles s'agitaient dans son champ de vision assombri, et il peinait à retrouver les notions de haut et de bas. 

Efi avança à quatre pattes dans le boyau, en direction de la source de lumière ; elle ne faisait aucun bruit malgré l'étroitesse du passage et les pierres aiguës qui en tapissaient le sol. Il descendait en pente douce, l'entrainant dans les profondeurs du versant de la ravine.

Le boyau débouchait dans une pièce aux parois irrégulières de pierre et de terre mêlées, dont seul le sol vaguement aplani évoquait l'oeuvre de l'homme. De multiples saillants et recoins créaient des poches d'obscurité; la lumière provenait d'une lanterne posée par terre, qui projetait sur les parois l'ombre géante d'un homme.

Efi arriva à Sonborg au petit matin. C'était un jour de marché ; sur la petite place carrée, entre quatre côtés de baraques en rondins, des auvents pisseux étaient tendus au-dessus de piles de légumes, de salaisons et d'étals d'artisans. La jeune femme se glissa dans les allées, suivie de son chien qui de temps à autre fourrait sa truffe sous son coude – par précaution elle tenait Sable au bout d'une lanière de cuir. Efi répondit aux salutations de marchands qui la reconnaissaient, mais ne s'attarda pas. Le soleil encore bas sur l'horizon éclairait un ciel bleu pâle; la journée promettait d'être dégagée, ce qui lui convenait parfaitement.

L'air froid de l'extérieur le fit frissonner ; occupé à se remplir la panse, il avait oublié la fraîcheur des nuits d'automne. Le crépuscule virait au noir d'encre, et il ne restait du soleil qu'une trace claire au-dessus des cimes de la forêt, mais la pleine lune donnait suffisamment de lumière pour ce qu'Edvin avait en tête. Il décrocha une lanterne mais ne l'alluma pas encore.

Tout en dévisageant le visiteur, Edvin étreignit sa femme, mais il ne put profiter autant qu'il l'aurait voulu de ce moment. Dans ses bras, il pouvait sentir sa nervosité, mais pas le tremblement qui aurait trahi un sanglot, ou des coups. Derrière lui […]

Allez, un peu de fantasy. Et pour commencer, un document d'époque en suivant ce lien.

10 ans plus tard

Le soleil baissait sur l'horizon, et il restait encore du chemin jusqu'au village; Edvin pressa ses mules sur le sentier [...]

Après une marche agréable dans la fraicheur du soir, Jonathan arriva en vue du repaire de chasse. C'était une petite maison de plain-pied, aux murs en béton sale, avec un jardin minuscule où prospéraient les mauvaises herbes. La façade évoquait [...]

Années 1840, quelque part dans les Balkans.

La famille dînait autour de l'unique table qui meublait la pièce de vie. Trois adultes et cinq enfants, aux gestes rendus pesants par la fatigue d'une journée dans les champs. Les cuillères plongeaient dans les bols, ramenaient de pleins godets de soupe, de légumes et de lard, se vidaient avec bruit et replongeaient en rythme. A l'extérieur, un vent froid [...]

— ... et finalement ils n'ont même pas voulu de mon rapport ! Autant avouer tout de suite qu'ils se fichent de notre travail...

Luca termina son deuxième café, fit signe au patron de lui en apporter un autre. Lisa observa ses mains nerveuses qui faisaient tourner la tasse par saccades, pendant qu'il poursuivait: [...]

Face au miroir, le président vérifia une dernière fois son noeud de cravate et sa coiffure, qui avaient déjà fait l’objet de soins interminables. Il se composa un visage grave mais serein, dont la force intérieure inspirait la confiance et même [...]

Dans un crissement de freins, le bus blindé s'arrêta devant l'enceinte d'une résidence sécurisée. Aussi prévenant qu'inutile, un gardien s'avança jusqu'au marchepied, et la bande d'Annie descendit en gloussant : trois gamines sûres d'elles [...]