C'était le soir du rendez-vous, et Herman Rockwell conduisait sa voiture d'une main sûre. La lourde Benz dévorait les virages et les lignes droites de la route forestière ; dans le halo des phares, les ombres des troncs semblaient courir en sens inverse de part et d'autre de la voiture.
Dans l'habitacle qui fleurait bon le cuir et la ronce de noyer, l'autoradio passait du jazz, un album de Charlie Parker de sa collection. La musique n'était pas forte, mais elle suffisait à couvrir le bruit du moteur électrique et le roulement sur le macadam. Rockwell tenait le volant d'une main, tout en ajustant périodiquement l'écran du GPS de l'autre, d'un de ces petits gestes de maniaque qui avaient l'art d'exaspérer Hannah, sa femme. Si elle l'avait vu à présent, elle aurait tout de suite compris dans quel état de nervosité il se trouvait.