Mais... où suis-je ?

Le Barde dans la Machine écrit pour vous des élucubrations sur les mondes imaginaires. Pour faciliter vos choix de lectures, les publications sont regroupées en thèmes :

"Récits", des nouvelles (entières ou par épisodes) qui parlent de SF et de Fantasy. Les récits les plus longs sont publiés par épisodes, puis compilés.
"Contes de la Marche", qui regroupe des récits de Fantasy se déroulant un même univers.
"Lubies", des textes plus courts sur des sujets aléatoires.
"Bouquins", où je vous narre et critique mes derniers lectures.
"Carnets", de brèves observations ou impressions, en quelques paragraphes.

Mauvais Deuil (2)

C’était l’après-midi, et un soleil timide avait fait son apparition pour saluer le début du printemps. Sur la place du marché de Sonborg, les villageois négociaient leurs derniers achats de la journée. Déjà l’ombre des maisons et des sapins s’allongeait, et le vent du nord-ouest recommençait de souffler.

Harla et Sigurt sortirent de la maison du bourgmestre, accompagnés par un domestique vêtu de noir. Etzel Svineson les avait reçus dans une salle qui évoquait les premiers âges alaniens, avec ses piliers en bois massif ornés de sculptures grossières, le tonnelet de bière placé près de l’entrée à l’intention des visiteurs, et les odeurs de chaume moisi et de viande fumée. Mais la discussion avait apporté peu de réponses aux questions qui tourmentaient Harla.

— Je pense qu’il avait peur, dit-elle à son garde du corps.
— M’est avis que tous les gens de Sonborg ont la frousse, répondit Sigurt. La "protection" du Cercle pèse bien lourd, par ici.
— Si tout le monde tremble devant les chevaliers, comment pourrai-je savoir ce qui est réellement arrivé ? soupira-t-elle.
— Vous n’y parviendrez pas juste en leur posant la question, ma Dame.
— Et que proposes-tu ?
— Retrouver les lieux de l’embuscade. S’il y a eu un affrontement de deux groupes armés, avec des destriers du Cercle, ça a dû laisser des traces.
— On ne va tout de même pas quadriller la région !
— Non, bien sûr. Mais même dans les lieux les plus désolés vivent des gueux et des exclus, soit que la compagnie des autres ne leur plaise pas, soit qu’ils n’y aient plus leur place. Trouvons ceux du Bois aux Chouettes, et voyons quelles histoires ils ont à nous raconter.

Les commerçants qu'ils interrogèrent haussèrent les sourcils mais répondirent sans difficulté. Oui, des gens vivaient dans le Bois aux Chouettes, pas du genre qu'une dame voudrait pour compagnie, mais si elle le désirait vraiment, elle y trouverait quelques marginaux avec qui discuter. Un négociant en fourrures au regard fuyant leur indiqua la demeure d'un certain Sweyn, un charbonnier qui connaissait bien la région.

Ils passèrent la nuit à l'auberge du village, et dès l'aube se rendirent chez Sweyn par des sentiers à peine tracés qui s’enfonçaient dans les ravines et les épaisses futaies du Bois aux Chouettes. La cahute du charbonnier était misérable, et l'homme avait à peine figure humaine. Il n'avait pas connaissance d'affrontement ni de bataille, et railla les nobles qui imaginaient des chansons de geste dans le moindre sous-bois. Mais il leur indiqua un forestier du nom de Karold, plus loin dans le bois, qui habitait une cahute creusée dans la roche, et battait régulièrement les taillis.

« S’il accepte de vous voir", ajouta Sweyn. "Il est pas du genre causant... »

Riches de ces informations, Harla et Sigurt s'enfoncèrent plus profondément encore dans le Bois. La matinée était bien avancée, mais par endroits seule une clarté crépusculaire leur parvenait à travers les feuilles et les épines.

Ils se perdirent en cherchant la maison de Karold, dans un chaos d’arbres tombés et de rochers qui perçaient la terre comme des crocs.

— Nous devrions revenir au village avant la nuit, suggéra Sigurt.
— Mais il est à peine midi !
— Je crois que plus de temps a passé, mais il est difficile de s'en rendre compte sous le couvert des pins. Faisons halte ici pour manger, et ensuite nous repartirons.

Harla se rangea à son avis, et il s'assirent sur des souches pour déjeuner de pain noir et de fromage. Au moment où Sigurt ouvrait une outre de vin pour faire descendre le tout, une voix rude sortit des buissons.

— Ma foi ! Ceux qui mangent sur les terres de Karold peuvent bien partager leur vin avec lui !

Sigurt sauta sur ses pieds et se retourna, la hache levée. L'homme qui avait parlé continua en sortant du buisson :

— Tout doux, mon grand, c’est un bien méchant tranchoir pour me couper du fromage !

Il était vêtu de fourrures usées, et coiffé d'un bonnet en peau de loup qui lui donnait l'allure d'un animal étrange. Un arc bandé était glissé dans un étui qui pendait à son épaule, mais il avait les mains vides et les levait dans un geste traditionnel d'apaisement.

Le garde du corps se rassit et posa sa hache, sans trop éloigner la main du manche. Harla prit la parole de sa voix la plus calme :

— Tu parles de cette forêt comme si elle t'appartenait. Ne sommes nous pas sur les domaines du baron ?
— C'est sûrement ce que disent ses clercs, mais regardez autour de vous : où sont les châteaux, les chevaliers, les routes du baron ? Qui viendra me dire ce que je peux chasser ou pas, qui je peux tuer ou pas ?

Harla sentit Sigurt se tendre, au cas où la vantardise serait suivie par des actes. Mais le braconnier semblait avoir envie de parler. Elle répliqua sans lever la voix :

— Et quel est donc le puissant seigneur qui dit avoir préséance sur Markam, Baron de La Marche du Nord ?
— Ne vous moquez pas, riche Dame. Ce n’est que Karold, le forestier. Mais ici, c'est chez moi.
— C'est marrant, grommela Sigurt, j'ai entendu parler d'un Karold, mais on l'appelait le braconnier...

Harla lui lança un coup d'œil d'avertissement et reprit :

— Forestier, nous avons du vin à partager, peut-être connais-tu un meilleur endroit pour le boire ?

Karold sourit, hocha la tête et partit abruptement. Après quelques pas, il se retourna et leur fit signe de le suivre. Ils traversèrent ainsi un épais fourré où des épineux accrochèrent leurs vêtements et leurs cheveux. De l'autre côté, au flanc d'une muraille calcaire, s'ouvrait la demeure du forestier : un trou carré dans la roche, bas et large, fermé par une barricade en bois.

Une fois installés sur des sièges de rondins, dans la grotte qui sentait la sueur et la viande séchée, ils firent tourner l'outre tout en interrogeant leur hôte. Ce dernier les assura qu'en un mois, il tuait plus d'animaux interdits que tous les colons de la région en un an. Son insolente assurance lui venait soit de l'inconscience, soit d’amis bien placés. Il parlait avec animation, puis s'interrompait brusquement, semblait écouter un bruit qu'il était le seul à entendre. Les sourires venaient et disparaissaient avec soudaineté sur son visage buriné.

Voyant que la compagnie et le vin mettaient leur hôte de bonne humeur, Harla amena progressivement le sujet de Jaral et de l'embuscade.

— Des brigands qui s’en prennent à une patrouille ? Drôle d'histoire, l'acier du Cercle n'est pas leur métal favori. Mes bois n'ont rien vu de tel.

Harla se pencha en avant, pressante.

— Pourtant on m'a dit que mon frère est tombé dans ces bois. As-tu idée de ce qui s’est passé ?
— C’est possible, riche dame, répondit Karold après un long silence passé à contempler la voute blanchâtre de la grotte, sale de suie à l’aplomb de la chandelle. Peut-être que Karold sait où cela s'est passé. (Il reprit une longue goulée de vin). Un cavalier a été abattu il y a quelques jours, à peu près en même temps que votre frère. Mais il n'y avait pas de patrouille.
— Où cela ? Que faisait-il dans les bois ? Vous l'avez vu mourir ?

Karold leva les mains et sourit.

— Une chose après l'autre, belle dame. J'ai seulement vu des traces dans la terre.
— Qu'as tu appris d'autre ?
— Vous voulez que je vous raconte ? Karold aime bien les histoires, mais celle-ci n’est pas bien drôle... C'était le petit matin, je pistais une biche. Une belle bête, rapide et svelte, qui me narguait depuis un moment déjà. J'aime chasser au lever du soleil.

Il se versa encore du vin, vida son gobelet. Harla se demanda s'il n'était pas déjà ivre, avec tout ce qu'il avait bu. L'homme les considéra d'un œil vague, et reprit son récit.

— J'ai perdu sa piste quand je suis tombé sur le corps. Un jeune gars, brun, costaud, cotte de maille et épée de famille, il avait dû avoir belle allure. Sauf qu'il était tout froid, étendu par terre, et que son cheval avait filé. J'ai vérifié ce qu'il avait sur lui...
— Tu as fouillé le cadavre de mon frère !
— Je n'ai rien fait de mal ! Comment savoir qui c'était, sinon ?

Harla pinça les lèvres, inspecta du regard l'intérieur de la cahute, cherchant des affaires qui auraient appartenu à Jaral.

— Je vous dis que je n'ai rien pris. La forêt me donne tout ce qu'il me faut.
— Soit. Poursuis.
— Quel regard de glace, belle dame... Bon, il n'avait rien de spécial, mais ses vêtements portaient la marque du Cercle.
— C'est tout ce que tu as appris ?
— Patience, il y a plus. Comme de toute façon j'avais perdu ma biche, je me suis mis à l'affût et j'ai attendu un peu, par curiosité. Et voilà que plus tard dans la matinée ont débarqué cinq chevaliers, avec des lances, des chiens et tout. Je me suis planqué, mais ce n'était pas après moi que les limiers en avaient. Le chef des lanciers était un homme aux cheveux blancs, en armure lui aussi.
— Le Prieur ?
— C'est comme ça que certains l'appellent. Quand ils ont trouvé le corps... (il s'interrompit)
— Quoi donc ?
— Je me suis dit, c'est étrange.
— Pourquoi étrange ?
— Si vous trouvez le corps d'un des vôtres, quelle est la première chose que vous feriez ? Je veux dire, est-ce que vous le fouillez tout de suite ?
— Comme toi, tu veux dire ?
— C'est ça, exactement comme moi, qui ne le connaissais pas... Ils cherchaient quelque chose qui n'était plus là.
— C'est tout ce qu'ils ont fait ?
— Seulement après l’avoir fouillé, ils ont inspecté les blessures, vérifié qu’il ne vivait plus, et regardé les traces. Heureusement j'avais bien couvert les miennes, ils n'ont rien trouvé. Ils ont chargé le corps sur un des chevaux et sont repartis avec. Le vieux n'avait pas l'air content du tout.
— Et tu pourrais nous indiquer où se trouve cet endroit ? Je veux voir où Jaral est tombé.
— Si tel est votre désir, riche dame, je peux vous expliquer comment vous y rendre, même si le corps n'y est plus.

Sigurt intervint.

— Braconnier, tu me sembles un bon pisteur. As-tu trouvé des traces des tueurs ? Saurais-tu nous dire qui ils étaient ?
— Pour sûr ! J'ai appris des choses en lisant les traces... Des choses que mes seigneurs aimeraient sûrement savoir.
— Nous les diras-tu ?
— Avec plaisir. Mais elles ont un prix...
— Tu veux marchander ? La vie sauve, ça t'irait ?

La voix menaçante de Sigurt résonna dans l'espace confiné. Karold recula comme si on l'avait frappé, et sa main glissa vers sa ceinture.

Harla intervint.

— Allons Sigurt, ce brave forestier nous a aimablement accueillis et renseignés. Un Lion d'argent pour toi si tu nous dis qui a tué le chevalier, et si tu nous montres où c'est arrivé.
— Donnez-moi le double. Mais en échange, j'aurai quelque chose de plus pour vous.
— Dis-m'en plus si tu veux voir la couleur de mon argent.
— J'ai trouvé quelque chose... Un objet que les chevaliers n'ont pas vu.

Harla mit la main dans sa bourse, et tira deux grosses pièces argentées aux emblèmes de Heim. Karold les mordit et les mira à la lueur de la chandelle. Une fois rassuré, il fouilla dans une pile d’outils et en tira une longue flèche à la pointe tachée de noir.

— Elle était plantée dans le sol, plus loin dans le sous-bois. Voyez la pointe en bronze, l'empennage en plumes de corbeau. Ce n'est pas une flèche alanienne.
— Des Borags ! Sigurt hocha la tête, la mine sombre.
— Oui, et les traces de bottes dans la terre m'ont semblé plutôt barbares, elles aussi.
— Il y a des bandes de Borags dans cette forêt ? demanda Harla.
— J’en ai déjà vus. Ceux-là, je les évite comme la peste.
— Le Prieur a donc menti ! Ce ne sont pas des brigands qui ont tué mon frère, et il n’était pas en patrouille. Je me demande bien quelle était cette mission qu’il remplissait au petit matin...
— Ou à la nuit tombée, riche dame. Il était déjà froid quand le jour s’est levé.
— Une mission confidentielle pour le Prieur, sûrement, intervint Sigurt.
— Ce Prieur, Karold évite de se fourrer dans ses pattes, si vous voyez ce que je veux dire... Mais ce n’est pas tout.
— Que vas-tu encore essayer de nous vendre ?

Sigurt avait haussé la voix. Karold l’ignora et poursuivit en s’adressant à Harla.

— Je crois savoir pourquoi le Prieur n’était pas content... Votre frère portait quelque chose que j’ai récupéré avant qu’il n’arrive.
— De quoi s’agit-il ?
— Je... Je pense que cela vaut de l’argent.
— Tu penses ? Pourquoi n’est-tu pas sûr ?

Karold ne répondit pas. Plongé dans un dilemme intérieur, il se balançait d’avant en arrière sur son tabouret en rondin. Harla et Sigurt échangèrent un regard, perplexes.

Soudain, Karold bondit, si vite que Sigurt tressaillit mais n’eut pas le temps d’attraper son arme, peu pratique dans l’espace réduit de la caverne. Le braconnier avait déjà saisi un coutelas et les menaçait de la pointe, l’oeil hagard. Il cracha et éructa d’une voix de plus en plus altérée :

— Est-ce que je peux vous faire confiance ? Je ne sais pas qui vous êtes, après tout...
— Qu’est-ce qui te prend ? demanda Harla, tandis que Sigurt se levait et faisait un pas vers elle, interposant son corps massif entre sa maitresse et l’arme. Il avait étendu ses mains vides vers Karold, paumes vers le bas, dans la posture d’un lutteur.
— Vous arrivez chez moi, vous me faites boire et parler... Qu’est-ce que vous voulez vraiment ?
— La vérité sur la mort de mon frère. Tu le sais bien.
— Et vous croyez que je vais vous–

En un seul mouvement, le garde du corps avait saisi le poignet d’arme de Karold et tiré violemment, précipitant la tête du forestier vers son poing droit qui jaillissait à sa rencontre. Karold s’effondra comme une marionnette privée de fils et son couteau tomba à terre. Sigurt le ramassa, s’accroupit sur le corps et porta la lame à la jugulaire ; il consulta Harla du regard, prêt à la mise à mort.

— Non. Ce pauvre type est à moitié fou, mais je ne le crois pas dangereux. Et puis j’aimerais savoir ce qu’il avait à nous dire.

Quelques minutes plus tard, Karold, entravé avec ses propres vêtements et adossé à la paroi, fut réveillé par une bassine d’eau froide jetée à sa figure. Pendant qu’il hoquetait, Harla lui parla sans douceur.

— Quelle sorte d’hôte prend les armes contre ses invités ? Karold, tu me déçois.
— Hhhh Hhh hhh...
— Maintenant, nous allons reprendre notre discussion où nous l’avons laissée. Si son tour me convient, je partirai en te laissant en vie avec tes misérables affaires. Si tu cherches à te jouer de moi, je brûlerai ta hutte et te ferai trancher les mains. Tu ne chasseras plus jamais. Mais je ne te tuerai pas, car tu n’es un assassin qu’en intention.
— Belle dame, je vous jure que...
— Je me moque de tes serments, hôte indigne. Qu’avais-tu à me montrer, qui mérite de te comporter ainsi ?

Les yeux de Karold allèrent de Harla à Sigurt, qui avait tiré sa hache et déplaçait un tabouret pour en faire un billot, avec un petit sourire. Il s’affaissa, et sembla reprendre ses esprits.

— Vous le trouverez dans la poche ventrale du manteau, là-bas...

Harla se leva et fouilla avec répugnance dans les vêtements du forestier. Elle extirpa de la poche un parchemin plié et cacheté à la cire. Le sceau – brisé – représentait un corbeau et une tour, des armes qui lui rappelaient vaguement quelque chose. Elle parcourut le message, et haussa les sourcils.

— Tu ne sais pas lire, Karold ?
— Non, gente dame, mais j’ai vu des chiffres... Je suis sûr que cela vaut de l’argent.
— Tu as de la chance d’être un illettré, ça va te sauver la vie. Cette lettre ne vaut rien, mais elle peut attirer de graves ennuis à qui la possède. Estime-toi heureux que je te la confisque.
— Tu parles... Vous êtes venus me détrousser !
— Dit le voleur... Tu n’as aucun droit sur ce document, forestier. Sigurt, allons-nous en d’ici.
— Vous ne me détachez pas ?
— Le couteau est sur la table, tu devrais y arriver tout seul. Adieu, méchant Karold. Je te laisse un Lion d’argent, ainsi nous sommes plus que quittes.

Une fois dehors, Sigurt retrouva le chemin qu’ils avaient pris à l’aller. Alors qu’ils cheminaient sous les pins, Harla remarqua :

— Merci de ton intervention, Sigurt.
— C’est mon boulot. Cette ordure aurait mérité que je le saigne.
— Oublie cela, la missive est bien plus importante. Sais-tu ce que c’est ? Une lettre de change.
— Il n’en aurait pas fait grand chose.
— Ça non. Et surtout, elle est établie à l’ordre d’un certain Rodhgal par le marchand Kerlin, pour une somme non négligeable.
— Rodhdal le Noir ? Le bras droit du baron ?
— Lui même. Je me demande bien où Jaral allait avec ça, la nuit dans la forêt...
— J’ai du mal à imaginer le Prieur de Tour Sonborg en affaires avec Rodghal le Noir.
— Oui, cela m’étonnerait fort. Il ne perd pas une occasion de spolier le Cercle au profit de sa petite coterie personnelle.
— Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
— Toute cette affaire sent mauvais, et je suis prête à parier que notre bon Prieur y est mouillé jusqu’au cou. Nous n’en avons pas fini avec lui.

– À suivre

Mauvais Deuil (3)

Mauvais Deuil (1)