Le Voyage Immobile
Aujourd’hui est le jour le plus court de l’année dans notre hémisphère. La nuit triomphe, comme le loup nordique dévorant le soleil.
Pour ceux qui observent les astres. c’est l’effet d’une mécanique astronomique qui nous transporte à travers l’espace, en suivant des orbites et des inclinaisons aux conséquences mystérieuses.
Je veux vous parler d’un autre voyage, celui qui nous a fait quitter le pays ensoleillé de l’été. Insensiblement, puis par à coups soudains, les températures ont baissé au fil des mois. Nous avons oublié la brûlure du soleil et la caresse de la brise, et sans bien comprendre comment, nous nous retrouvons aujourd’hui dans une contrée étrange aux paysages familiers – ou bien est-ce l’inverse ? Un pays où s’étendent les ombres, que le jour éclaire à l’horizontale sans réchauffer, où le vent est coupant. Un pays qui peut se métamorphoser du jour au lendemain en un dessin d’estampe aux formes arrondies par la neige, avant de se défaire en cloaque salé.
Ce pays que nous parcourons malgré nous, ce n’est pas le Mordor bien sûr, juste l’hiver. Nous y entrons à peine, mais par un malicieux décalage entre l’astronomie et le climat, déjà le mouvement s’inverse : demain, passé le solstice, les journées rallongeront imperceptiblement, de quelques secondes au début, alors même que l’hiver affermira sa prise. Au plus froid de la saison, nous verrons déjà débuter le prochain cycle de cette roue qui tourne sans cesse sur elle-même, et jamais ne touche le même endroit.